A. Zougoulou : « Pas de développement sans recherche »

L’agence panafricaine de la Grande Muraille verte coordonne le déploiement de ce programme hors norme dans le Sahel. Son directeur, Abacar Zougoulou, précise ici le rôle central de son organisme et explique pourquoi il a tenu à participer pour la première fois à l’université d’été organisée mi-septembre à La Rochelle par l’Institut Balanitès. Basé à Nouakchott en Mauritanie, ce cadre tchadien évoque à la fois les obstacles rencontrés et sa vision optimiste de l’avenir pour ce projet qui allie reboisement et développement économique.

Pourquoi vous être déplacé pour la première fois à La Rochelle pour participer à l’université d’été de la Grande Muraille verte ?
« Venir à La Rochelle, c’est contribuer à la mise en œuvre de la Grande Muraille verte. C’est une occasion pour nous de co-construire cette initiative. On ne peut pas faire du développement sans la recherche. Les données recueillies au Sénégal et les études réalisées par l’Observatoire Homme-Milieux Tessékéré sont des acquis qu’il convient de diffuser dans l’ensemble des pays du tracé. Je suis venu pour nouer des partenariats nord-sud mais aussi sud-sud. Nous signerons bientôt un contrat de performance entre l’agence panafricaine, l’Institut Balanitès et l’OHMi Tessékéré. »

« Ce n’est pas qu’un programme de reboisement »

Quelle est votre vision de la Grande Muraille verte ?
« La Grande Muraille verte vise à rétablir le capital naturel du terroir Sahélien. Mais c’est avant tout un projet humaniste qui profite à une population parmi les plus vulnérables de la planète. Ce n’est pas un simple programme de reboisement. Dès le départ en 2008, le projet s’est voulu multisectoriel et écosystémique en intégrant des questions liées à l’énergie, l’élevage, la foresterie, l’hydraulique, l’éducation, la santé… Tous les acteurs de la société civile, les politiques, les scientifiques, les professionnels de tous les secteurs concernés sont mobilisés au même titre que la population sur place dans un processus inclusif. Les objectifs d’ici 2030 sont la récupération de 100 millions d’hectares de terres, la séquestration de 250 millions de tonnes de carbones et la création de 10 millions d’emplois verts productifs pour donner aux jeunes l’envie de rester et arrêter les migrations vers l’Europe. »

Quel est votre rôle dans le développement de la Grande Muraille verte ?
« J’appartiens à une entité régionale, l’agence panafricaine de la Grande Muraille verte, qui a un rôle de coordination, de suivi des réalisations et de mobilisation des ressources en lien avec l’Union africaine et les Etats membres du programme. Il s’agit de travailler de concert avec les Etats membres pour mener le reboisement et développer des activités socio-économiques à l’image des Fermes communautaires agricoles intégrées, génératrices de revenus rapides pour les populations. »

« Des centaines de fermes qui font le bonheur des populations »

A quoi servent ces fermes ?
Comme vous le savez, le Sahel est une zone semi-aride à aride. Vous ne pouvez pas demander à une population de planter un arbre et d’attendre quatre à six ans pour bénéficier de ses retombées. Alors ces fermes sont une solution. Le maraîchage permet de générer des revenus. Mais elles ont plus qu’une vocation agricole. A partir d’un système de production basique, ses membres construisent un développement économique local en intégrant la production d’énergie, l’optimisation de l’eau, le reboisement, ainsi que des initiatives en termes d’éducation et de santé. Par effet de dominos, nous cherchons à démultiplier ces réussites. Nous avons des centaines de fermes qui font le bonheur des populations. Elles y trouvent leur compte au bout de trois ou six mois. »

Quels sont les pays les plus avancés sur le projet de Grande Muraille verte ?
« Les activités étant mises en œuvre dans un cadre intégré, il n’est pas aisé de faire un classement. Toutefois en termes de reboisement et selon les données répertoriées, ce sont par ordre l’Ethiopie suivie du Niger, du Burkina, du Mali, du Sénégal, du Nigéria… »

« La Gambie, la Côte d’Ivoire et la Somalie sont en passe d’intégrer le programme »

Est-ce que les conflits intérieurs de certains pays de la Grande Muraille verte gênent son déploiement ?
« Oui parce que tout conflit retarde le développement des projets. Les situations d’insécurité rencontrées dans certains pays ne favorisent pas l’atteinte des objectifs. Mais je pense aussi que ces conflits sont conjoncturels. Ils ne remettent pas en cause l’intérêt de la population et des gouvernants pour la Grande Muraille verte. »

Comment voyez-vous la Grande Muraille verte dans cinq ans ?
« La Grande Muraille verte n’est pas un projet classique. Il faut voir à long terme et envisager des objectifs à 40, 60 ou 100 ans. Je pense néanmoins que de nombreuses évolutions sont en cours. La Gambie, la Côte d’Ivoire et la Somalie sont en passe d’intégrer le programme. D’autres sont sur le pipeline de l’adhésion (sic) : le Ghana, le Togo, le Bénin ou encore le Cameroun. C’est vous dire l’intérêt des pays africains à rejoindre le club des onze membres de la Grande Muraille verte. Dans cinq ans, nous serons plus nombreux, ce qui offre des perspectives très positives. »

Recueilli par Romain Mudrak

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