Quelques jours après un séminaire une nouvelle fois très suivi, Didier Moreau, délégué général de l’Institut Balanitès fait le bilan des trois dernières années et détaille les ambitions de l’association d’ici 2028.
Une nouvelle journée d’études organisée à Poitiers par l’Institut Balanitès vient de se terminer. Elle était consacrée à la biodiversité. Sans parler du fond qui donnera lieu à un autre article, est-ce que vous ressentez toujours autant d’investissement de la part des chercheurs africains et français ?
« Une trentaine de chercheurs français et africains étaient présents ou ont suivi à distance ces deux jours de travail sur la biodiversité. Les directeurs des agences sénégalaise et tchadienne de la Grande Muraille verte notamment avaient fait le déplacement. L’initiative portée par l’Institut Balanitès continue de mobiliser du monde. Certains chercheurs n’ont pas pu venir faute de pouvoir obtenir un visa ce qui est préjudiciable pour l’image de notre pays. Mais ils ont suivi les débats en ligne. On se rend compte que la pluridisciplinarité est indispensable et que la préservation de la biodiversité rejoint désormais d’autres problématiques comme « One Health – Une seule santé ». La santé humaine est totalement imbriquée avec la santé de l’environnement et des animaux, sauvages ou domestiques. »
Et quel est le soutien des partenaires institutionnels ?
« Si cette réunion s’est tenue dans les locaux du Conseil régional, ce n’est pas par hasard. Les thématiques abordées par l’Institut Balanitès et la Grande Muraille verte s’inscrivent entièrement dans la politique de coopération internationale de la Région. Benoit Tirant et Pascal Duforestel sont venus à la tribune pour nous le rappeler. Et j’insiste sur le fait que ce genre de partenariat augure d’un nouveau modèle de relations avec les pays d’Afrique. Nous sortirons dans les prochains jours un podcast sur ce thème, il est plein d’enseignements. La maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, est également venue le premier soir afin d’accueillir la délégation africaine et donner son soutien à notre démarche. »
« Nous avons fait émerger une communauté de 350 scientifiques. »
La biodiversité, toujours un thème porteur ?
« Il faut renouveler le processus de valorisation de cette thématique pour garder l’attention du grand public et des financeurs. Certes la reforestation de la Grande Muraille verte amène notamment une régénération de la biodiversité. Mais il faut insister sur les bienfaits pour l’humanité de manière générale et sensibiliser, éduquer, former en permanence. Réitérer les explications sur les effets positifs de ces projets à long terme. D’abord en termes de fixation des terres, ensuite pour le stockage de carbone, tant dans le végétal que dans la terre. Ensuite dans la gestion des ressources en eau. Enfin pour le bien être des populations, sur place et les indéniables conséquences sur la planète. »
L’Institut Balanitès est actif depuis trois ans. Un nouveau projet va démarrer. Mais avant, que s’est-il passé durant les premières années ?
« Nous avons démarré en pleine crise Covid, ce n’était pas simple. Au cours des trois dernières années, nous avons donné de la visibilité à la coopération scientifique autour de la Grande Muraille verte. A travers trois universités d’été, une dizaine d’épisodes de La Fabrique du savoir -le podcast du Monde- ainsi qu’une quinzaine d’articles dans la presse régionale et nationale dont Paris Match fin septembre 2024, ainsi que la presse africaine. Et aussi à travers des actions de médiation dans de nombreuses écoles. Nous avons fait émerger une communauté de 350 scientifiques parmi lesquels figurent le paléontologue Michel Brunet, le sociologue Edgar Morin, le biologiste sénégalais Aliou Guissé ou encore la physicienne et secrétaire perpétuelle émérite de l’Académie des sciences, Catherine Bréchignac. »
« Des programmes comme la Grande Muraille verte ont vocation à unir les populations du Sahel. »
Le programme 2025-2028 de l’Institut Balanitès est centré sur la création de deux parcelles expérimentales au Sénégal. Quels sont les objectifs ?
« Sur place, l’équipe de l’Observatoire Hommes-Milieux international (OHMI) Tessékéré a déjà identifié deux parcelles de 30ha, chacune dans le Ferlo. La population est partie prenante dans la gestion des parcelles. Le programme s’articule autour de trois axes : planter, étudier, valoriser. Tout d’abord, il s’agit d’acheter 40 000 plants d’arbres et d’autres espèces complémentaires, mais pas seulement. Il faut aussi mettre ces parcelles en défens et sécuriser les apports en eau. Ensuite, le projet consiste à mener des études, autrement dit financer des missions scientifiques et du matériel, des capteurs, des drones pour observer la croissance des arbres, la régénération de la biodiversité et les nouvelles activités socio-économiques. L’Ensma va nous aider pour l’analyse des données. On souhaite participer à la création de filières pour l’huile de Balanitès ou la gomme arabique par exemple. Enfin en diffusant les résultats des recherches menées sur place, on pérennise l’action dans les dix autres pays de la Grande Muraille verte, on sensibilise les populations locales, on forme les acteurs de terrain et on éduque les enfants pour qu’ils reprennent le flambeau en temps voulu. Pour mener à bien ce programme, nous allons mobiliser des fonds publics, privés et nous lançons un appel à contributions : parrainez un arbre pour 26€. Adoptez un hectare !»
Les Français ne sont plus les bienvenus dans le Sahel. Comment voyez-vous l’avenir de cette coopération scientifique ?
« Tout d’abord il faut de mon point de vue laisser le temps de l’actualité immédiate passer pour envisager l’avenir. L’Afrique et l’Europe ont une histoire à écrire dans un contexte entièrement nouveau et dans la pleine conscience d’un destin commun. Dans cette perspective Poitiers doit être une base de réflexions, d’innovations mais tout doit ensuite pouvoir se passer sur le terrain. Même le siège de l’Institut Balanitès sera transféré au Sénégal le moment venu. L’idée c’est que le travail commun et le fonctionnement de ces parcelles soit autonome et que les coopérations scientifiques se concentrent sur certains points précis, ponctuels constamment évalués pour garantir leur pertinence. Au-delà, des programmes comme la Grande muraille verte, et indirectement l’Institut Balanitès en soutien et en appui, ont vocation à unir les populations du Sahel qui ont les mêmes défis à relever. »