Michel Brunet : « Nous sommes tous des Sahéliens »

Il a découvert notre plus vieil ancêtre… A travers ses recherches sur Toumaï, le paléoanthropologue Michel Brunet a appréhendé le désert du Sahara sur le temps long. Une manière de contextualiser la construction de la Grande Muraille verte qu’il voit aussi un « symbole d’unité et de paix » au Sahel.

Vos recherches sur Toumaï au Tchad vous ont amené à constater l’évolution du Sahel au fil des millénaires. Que peut-on en dire ?

« Dans le cadre de mes recherches au Tchad, j’ai eu l’occasion d’être co-auteur de l’étude d’une carotte d’un forage pétrolier, datée entre 7 millions et 2 millions d’années. Cette carotte provenait de la zone orientale du lac Tchad. La première constatation, c’est que le lac Tchad (actuel) a toujours été en eau malgré des variations climatiques importantes. Ce n’est pas fréquent. Second point, à partir de l’étude des sédiments, cette carotte a montré l’alternance de périodes humides et sèches. A plusieurs périodes de l’histoire, le Sahara a été vert. C’est un désert intermittent.

Une centaine d’espèces ont été trouvées dans l’association faunique liée à Toumaï. Parmi elles, des hippopotames qui nécessitent par définition des eaux pérennes, même en saison sèche. Le milieu où habitait Toumaï est comparable au delta de l’Okavango actuel, c’est-à-dire des rivières, des lacs, des forêts galeries, de la savane. Un milieu mosaïque. On est loin du désert. »

Dans quel contexte s’inscrit la Grande Muraille verte ?

« Si l’on considère le temps long, il est évident que des paramètres astronomiques contrôlent depuis toujours les variations climatiques. Des paramètres en dehors du champ humain. La Terre a son propre agenda. Elle a déjà connu plusieurs extinctions de masse qui ont toujours été de puissants moteurs de l’évolution. La dernière a permis l’apparition des primates. Si elle n’avait pas eu lieu, nous ne serions pas là pour en parler. Cela ne nous autorise pas à détruire notre environnement. Aujourd’hui, les humains amplifient les changements. Les milieux actuels sont tellement anthropisés, on les a tellement abîmés que vouloir les restaurer est une bonne chose. En replantant des arbres, on ralentit la progression du désert vers le Sud. »

« A plusieurs périodes de l’histoire, le Sahara a été vert. C’est un désert intermittent.« 

La Grande Muraille verte est souvent définie comme un instrument de paix et de coopération nouvelle entre le Nord et le Sud. Qu’en pensez-vous ?

« Dans le contexte actuel, le projet de Grande Muraille verte est extraordinaire. Il réunit onze pays sahéliens et les conduit à collaborer ensemble pour restaurer l’environnement. La Grande Muraille verte est un symbole d’unité et de paix dans cette région qui en manque. Voir des chercheurs de ces onze Etats travailler ensemble a quelque chose de rassurant. Avec Toumaï, nous sommes tous des Africains. De la même façon, grâce à la Grande Muraille verte, les habitants de ces onze pays peuvent dire « nous sommes tous des Sahéliens ». Plus globalement, nous sommes tous humains et on a intérêt à être solidaires face aux « bêtises » environnementales qu’on a faites. Tenter de les corriger ensemble est un symbole. Je crois que la Grande Muraille verte va contribuer à restaurer l’environnement au Sahel et donc celui de la « Terre Patrie » chère à Edgar Morin. »

Recueilli par Romain Mudrak

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