
L’Institut Balanitès a décidé d’inscrire à son agenda la thématique One Health – une seule santé – et l’écologie de la santé d’une manière générale. Une façon de susciter le débat avec la Grande Muraille verte comme point de départ dans le respect des disparités entre les 11 pays concernés. Didier Moreau, délégué général de l’Institut Balanitès, appelle à « la création d’un « arc atlantique » des migrations animales et des pandémies, une façon de renforcer le réseau de réflexion des communautés scientifiques d’Afrique et d’Europe ».
Des scientifiques du monde entier s’inscrivent dans une démarche d’écologie de la santé, à commencer par Gilles Boëtsch, président de l’Institut, qui a largement contribué à populariser cette notion en France. Le 10 décembre, plusieurs de ces scientifiques étaient réunis lors d’une nouvelle journée d’étude organisée en duplex à la fois des locaux de la Région Nouvelle-Aquitaine et depuis le siège de la Casden BP, partenaire financier sur ce volet.
Voici quelques extraits…
Denis Malvy, chef du service d’infectiologie du CHU de Bordeaux
« Quand on réalise une intervention en termes de santé environnementale comme le reverdissement de la zone limitrophe du Sahel, on doit surveiller en même temps la santé des autres compartiments de One Health : les animaux d’élevage ainsi que les vecteurs de maladies, et la santé humaine. L’originalité de ce projet de Grande Muraille verte, c’est de prendre en compte ces trois aspects. »
Mais ce n’est pas le moment de relâcher ses efforts car de nouvelles problématiques se développent selon l’infectiologue : « L’étude de la Grande Muraille verte met en lumière une superposition des maladies dans un monde globalisé. Les maladies infectieuses ne disparaissent pas, mais s’ajoutent à elles les maladies chroniques de civilisation liées à la sédentarité, la monotonie alimentaire, le surdosage du sel, le tabagisme… Attention au syndrome des artères cafeteria qui entraine des infarctus du myocarde et accidents vasculaires cérébraux (AVC). C’est pourquoi, en parallèle du reverdissement, nous devons faire de l’éducation sur ces sujets. »
« L’humain est à la fois responsable du désordre mais il en est aussi victime » Denis Malvy
Autre problématique, lié au dérèglement climatique cette fois : aux périodes de sécheresse se succèdent des inondations dramatiques qui tuent animaux sauvages, bétails et aussi des humains, comme on l’a vu au Tchad l’été dernier. L’ensemble de ces constats poussent Denis Malvy à craindre que l’« humain se retrouve expulser du système » : « L’humain est à la fois responsable du désordre mais il en est aussi victime, le maillon faible en quelque sorte. » Dès lors, une question se pose : « Comment concilier l’échelle de la fin du mois avec celle de la fin du monde ? »
Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’Inrae, s’interroge sur les détournements du terme One Health, très souvent mis à toutes les sauces. « On n’arrête pas de ‘trompeter’ du One Health, mais selon une étude de 2022 menée sur 145 initiatives en Afrique sub-saharienne qui se revendiquaient One Health, 78 % étaient totalement académiques, pas du tout transversaux et ne visaient pas à informer les pouvoirs publics. Par ailleurs, elles n’associaient pas les populations locales. »
Alphonsine Ramdé, biochimiste, spécialiste des plantes médicinales au Centre de recherche scientifique et technologique de Ouagadougou (Burkina Faso)
« Il est important de continuer à valoriser les savoirs endogènes. 80% de la population du Sahel continue de se soigner avec des plantes. Il faut que des entreprises se saisissent des résultats de la recherche sur les plantes médicinales pour développer des alicaments, ces médicaments thérapeutiques qui permettent de se soigner et de s’alimenter en même temps. Tout ceci pour aider les populations et les enfants en particuliers »
« 80% de la population du Sahel continue de se soigner avec des plantes.« Alphonsine Ramdé
Pr Antonio Guerci, titulaire de la Chaire d’ethnopharmacologie de l’Unesco à l’université de Gênes (Italie)
Depuis trente ans, ce scientifique a identifié de nombreux principes actifs dans les « plantes magiques » utilisées en Afrique. Autant de molécules qui interviennent réellement sur les neurotransmetteurs notamment. Mais selon lui, « les populations qui vivent encore auprès de la nature attribuent aux plantes des valeurs qui vont bien au-delà de la phytochimie ». Il assure aussi que « la perte de connaissances thérapeutiques a des effets directs sur la perte d’espèces et d’écosystèmes. Et inversement. » L’aspect culturel et les croyances interviennent fortement dans l’usage des plantes médicinales. Aussi il souligne que les trois « médicaments » les plus répandus dans le monde restent l’acide salicylique, consommé à travers l’infusion de l’écorce et des feuilles du saule ; le bouillon ou la viande de poulet ; et enfin… la prière, celle-ci arrivant en tête des traitements les plus efficaces pour beaucoup de gens.
Marion Lelouvier, président directoire de la Fondation de l’avenir
« A la fin de cette journée, on est tous bousculés par cette problématique planétaire. Nous devons faciliter l’appropriation de vos travaux scientifiques par les populations et les décideurs politiques. Les fondations cherchent à être indépendantes, des chercheurs, des bénéficiaires, des pouvoirs publics. Elles permettent aussi de faire se rencontrer des mondes autour d’un sujet d’intérêt général. Les fondations peuvent financer la recherche, agir aussi concrètement pour améliorer la qualité de l’eau ou soutenir l’éducation en Afrique par exemple. »