Freddie-Jeanne Richard : « Les arbres sont capables de se planter seuls »

L’installation de ruches fait partie intégrante du projet de parcelle expérimentale en cours de concrétisation au Sénégal, sur le tracé de la Grande Muraille verte. Pour évoquer les atouts de cette démarche et les pistes d’études à mener sur place, l’Institut Balanitès donne la parole à Freddie-Jeanne Richard, biologiste spécialiste des comportements des abeilles, nommée récemment directrice de recherche à l’Inrae.

Quel est votre champ de recherche ?

« Je m’intéresse au comportement des invertébrés tels que les fourmis, les cloportes et plus particulièrement les abeilles. De nombreux facteurs peuvent affecter les relations intraspécifiques : maladies, parasites, pesticides… Je m’attache à comprendre les mécanismes en jeu et finalement comment ces éléments modifient les comportements de ces animaux sociaux ou grégaires. J’analyse aussi le rôle de sentinelle des abeilles. Elles sont un miroir de la qualité de l’environnement et de la santé de nombreux pollinisateurs. Et l’inverse est tout aussi vrai. »

Quels axes de recherche aimeriez-vous voir émerger le long de la Grande Muraille verte ?

« Un inventaire de la biodiversité a déjà été réalisé récemment sur une partie du tracé par une doctorante dans le cadre de sa thèse. Jusque-là, il existait très peu d’informations dans ce domaine. Désormais il serait intéressant de se focaliser sur une ou deux espèces phares pour les caractériser précisément sur leurs comportements de pollinisation, les plantes les plus visitées, quelles complémentarités ces espèces ont avec d’autres éléments de leur écosystème. »
Je pense que l’objectif au final doit être de permettre à la nature de se régénérer sans intervention humaine. Pour le moment, nous plantons des arbres et les entretenons. Mais vu l’ampleur de la tâche, l’Homme risque de s’épuiser. Ça coûte cher en temps et en argent. Or les arbres sont capables de se planter eux-mêmes ! Pour cela, il faut tenir compte du cycle complet de la plante. C’est là-dessus qu’il faut travailler selon moi. Première étape, il faut des pollinisateurs. Ensuite, pour que les graines germent, il y a des contraintes à lever. S’il faut qu’elles passent par le tube digestif d’un oiseau, alors il faut faire revenir les oiseaux concernés. Plus globalement, nous devons identifier les acteurs nécessaires pour mettre en place un système autoportant, et favoriser leur présence. »

Vous êtes l’une des fondatrices de l’association ABEILocales. Pourrait-elle trouver sa place dans les pays de la Grande Muraille verte ?

« ABEILocales est une association qui ne vise pas simplement à installer des ruches un peu partout. Les ruches sont plutôt un prétexte, d’une part pour tisser du lien entre les gens sur un territoire, et d’autre part pour diffuser les bonnes pratiques en faveur du respect de l’environnement. Je connais un peu de l’Afrique mais je ne suis jamais allée précisément sur le tracé de la Grande Muraille verte alors je préfère rester prudente. Néanmoins je suis persuadée qu’ABEILocales trouverait sa place là-bas. Ici comme ailleurs, récolter du miel est un prétexte à la discussion. C’est mieux qu’un séminaire pour attirer le grand public ! Ce lien social créé autour des abeilles permettrait d’échanger sur la Grande Muraille verte, la préservation de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique. »

Freddie-Jeanne Richard nommée à l’Inrae
Depuis le 1er avril, Freddie-Jeanne Richard occupe un poste de directrice de recherche au sein de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). Plus précisément, elle a intégré l’unité Abeilles et Environnement, basée en Avignon (Provence-Alpes-Côte-d’Azur). Auparavant, cette biologiste de formation était enseignante-chercheuse à l’université de Poitiers, rattachée au laboratoire Ecologie et Biologie des interactions (UMR CNRS/UP 7267), avec lequel elle conserve des liens importants. Elle continue également ses activités de recherche au sein de l’unité expérimentale des Magneraud dans les Deux-Sèvres.

Le chiffre

En Afrique, la durée de vie d’une ruche est de 8 ans en moyenne, contre 3 à 4 ans maximum en France. Selon une récente étude menée au Burkina Faso, la production moyenne par ruche là-bas est de 8kg, en sachant que cette valeur varie en fonction de la taille des exploitations. Moins il y a de ruches, moins la quantité de miel par ruche est importante. A noter que la valorisation des produits de la ruche peut prendre différentes formes : vente de miel, de cire pour les bougies ou la cosmétique, la propolis… Le miel est un excellent apport nutritionnel. Le pollen est également plein de protéines.

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